jeudi 17 novembre 2016

L'homme et l'enfant


L'enfant du milieu:

Nous sommes tous nus, ils nous ont dit qu'on allait prendre une douche, j'ai peur. Pourquoi papa et maman ne sont pas avec moi ? Pourquoi ils ne vont pas prendre de douche eux aussi? J'ai très peur. Il y a beaucoup de gens qui crient et qui pleurent. Moi aussi je veux pleurer mais papa m'a déjà dit qu'il y a que les filles qui ont le droit de pleurer. J’ai peur et je veux pleurer, je suis tout devant et derrière moi il y a beaucoup de gens. J'ai envie de rentrer vite dans la douche et de pouvoir manger après. Un monsieur vient de crier « si j’entends encore une personne crier je tue tout le monde ». Je veux pas mourir, j'ai trop peur et en plus je pleure. Il n'y a plus que les bruits de quelques reniflements et de quelques sanglots, je ne suis pas le seul enfant, a côté de moi il y en a aussi un plus grand que moi. Le monsieur qui a crié vient d'ouvrir la porte qui est devant moi, elle est très grosse, il n'y a pas de poignée à l’intérieur, que du côté ou nous sommes. A l’intérieur c'est tout noir et ça sent mauvais. Comment on va se laver dans le noir ? En plus c'est maman qui me lave normalement. Le méchant monsieur me prend et me sert fort le bras et crie « Maintenant avancez en silence » et me pousse dans la douche noire.



L'homme derrière:

Ils viennent de nous raser la tête et de nous déshabiller , ils veulent qu'on aille se doucher, enfin ! Le trajet a été long dans les trains et certains y sont restés. Ils nous traitent comme des bêtes, nous enlèvent nos identités, à leurs yeux nous ne sommes que des «races inférieures» comme ils disent. Nous sommes une centaine devant cette porte assez haute, des gens crient, pleurent et d'autres, comme moi sont juste pensifs, n'ont plus peur ou du moins ne le montrent pas. J'ai peur de ne pas retrouver mon compagnon à la sortie des douches, il n'a pas été emmené au même endroit, j’espère qu'il pourra se doucher lui aussi. C'est malheureux d’être arrêté parce que nous nous aimons, oui nous sommes tous deux des hommes mais nous avons le droit d'aimer qui nous voulons non ? Apparemment non, je suis ici, nu, devant ces douches parce que j'aime un homme et pourtant nous ne faisions de mal à personne.
Un SS crie « si j’entends encore une personne crier je tue tous le monde » L'enfant devant moi se met a pleurer, j'aimerais le réconforter mais je n'ose pas si je bouge il nous tuera sûrement et je ne veux pas être la cause de la mort de tous ces gens. Plus personne ne crie et les pleurs se font plus silencieux. Le soldat venant de parler ouvre la porte se trouvant devant moi, elle est assez grande est très épaisse, il y a un petit hublot vers le haut de la porte et à l’intérieur de la salle qui je suppose va nous servir de douche nous ne voyons rien, tout est noir, pas un seul rayon de soleil, comment allons nous nous doucher ? Je ne sais pas mais nous allons le faire. Le SS prend l'enfant qui pleure par le bras et dit « Maintenant avancez en silence », il pousse l'enfant dans la douche, nous rentrons. 

Texte: Clara Fardel--Auvray 

Sabina Grzimek 1980-1985